Ma campagne anglaise

Ce matin nous sommes parties vers la campagne anglaise. C'est un petit nom que j'ai donné au domaine qui s'étend entre Belmont et Corcelles. Le terrain est légèrement ondulé et descend en pente douce vers une ligne haute tension parallèle à la petite route bétonnée, et que j'évite avec soin. Cette ligne coupe l'accès au bas de cette campagne, où j'ai déjà trouvé d'énormes agarics champêtres qui nous ont régalés (c'était cet été). L'endroit est limité par le Merdasson (si, si !) du côté de Belmont, puis par l'Arbogne du côté de Cousset. Le silo du moulin Bossy dépasse les arbres, et la chapelle de Notre Dame de Tours se découpe devant le Jura, à l'ouest. Je ris à chaque fois que je donne une direction géographique, car si les lieux dits sont en principe corrects, méfiez vous des orientations, elles sont peut-être un peu fantaisistes.


IMG_0371


Ma campagne anglaise a une particularité :  la richesse botanique de la lisière du bois et du champ laissé en jachère qui la jouxte. Presque chaque semaine, depuis le printemps, il est possible d'admirer un tapis de fleurs ou d'herbe d'une couleur différentes. Je m'amuse à faire des photos des chiennes dans les fleurs jaunes, puis bleues, puis blanches, puis multicolores, les herbes roses ou dans tous les tons de vert. C'est du plus bel effet sur mon téléphone, à côté des champignons.

Aujourd'hui il règne une ambiance feutrée, car une légère brume enveloppe ce petit coin de paradis. Le soleil transperce aimablement cette paix, et nos pas crissent sur la neige. Il est difficile de décrire le calme que je ressens chaque fois que je promène ici. Je croise rarement du monde et la vue est dégagée, ce qui me permet de relâcher un peu ma vigilance vis-à-vis des chiennes. Peut-être cet élément insignifiant permet une certaine introspection que j'apprécie particulièrement. Les chiennes, de leur côté, apprécient cette liberté à sa juste valeur.


IMG_0212


J'ai oublié mon cache oreille, et mes oreilles commencent à geler. Empêtrée dans mes laisses que je passe sur mon épaule, j'essaie désespérément de mettre mon capuchon, me dirigeant vers les arbres qui entourent presque entièrement ce paysage merveilleux. Heureusement que la bise est tombée. Le long de la forêt, des arbres ont été abattus depuis mon dernier passage. Gayanne se précipite sur les troncs; quand elle était petite, je lui ai appris à monter sur les troncs plutôt qu'aboyer contre les gens. Cet exercice lui est resté, et chaque fois qu'elle voit une souche, elle s'y installe espérant recevoir une récompense. Ces derniers temps, je ne la laisse plus faire car les troncs sont glissants, et j'ai toujours peur qu'elle se blesse en tombant.

Nous avons croisé un tracteur qui se dirigeait vers les arbres abattus, traînant lentement derrière lui un char à pont et un tombereau métallique. J'ai rappelé les chiennes, les imaginant déjà l'accueil qu'elles allaient réserver cet immense escargot à moteur, mais finalement, elles l'ont superbement ignoré, toutes occupées qu'elles étaient à courir dans la neige et à prendre des traces, à bondir vers les corbeaux ou certaines touffes d'herbes qui ressortent de la neige, et qu'elles confondent avec un oiseau à terre. 

Mon esprit est accaparé par les paroles de ma tante qui est à l'hôpital et qui nous disait hier soir "merci la terre est si belle" et je me dirige vers la voiture, un peu gelée mais heureuse.

IMG_0224

     © Colette Pillonel 2017